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ADOLESCENCE

Je tressaillis d’une surprise extrême. Je n’avais pas pensé qu’on le ferait chanter seul et je ne pouvais croire que c’était bien la voix de mon cousin Jean qui emplissait ainsi l’église. Il me semblait que tout le monde allait me regarder et se joindre à mon émotion. Après la communion du prêtre, de nouveau, la pure et souple voix agile s’éleva et supplia tendrement :

Agnus Dei…

Il devint très vite le favori de Maricourt, où l’on avait pourtant le droit d’être difficile, la chorale du collège ayant de tout temps été réputée excellente.

Cette année, j’eus pour maîtresse, une religieuse assez âgée, usée déjà, mais d’un zèle prudent, infatigable. Elle était québécoise de naissance, je veux dire, de la région de Québec et se nommait mère Sainte-Sabine. Devinant en moi des dispositions et surtout, une grande malléabilité, elle me persuada, qu’étant arriérée, je devrais faire deux années dans une. Je voulus bien et en conséquence, je doublai mon travail, ce qui m’enleva un peu du temps consacré à jouir des gravures de mon livre de lecture à haute voix, par exemple, ou à jeter dehors, de longs regards avides sur le paysage qui changeait doucement et à mesure, suivant le soleil, le vent et les saisons.

En décembre, j’eus onze ans et je commençai de me réjouir à la pensée des vacances et des étrennes probables.