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MOISSON DE SOUVENIRS

yeux, elle me baisa de nouveau. Omésie aussi demanda la faveur de m’embrasser et même Camille, le frérot de Jean. À table, je me trouvai à côté de maman et on eut toutes les attentions pour moi, mais je n’y étais pas ; mon émotion et ma joie me servaient de nourriture. La salle à manger, fraîche et ombreuse, donnait sur le jardin ensoleillé d’où nous arrivaient, avec le gazouillis des oiseaux, des parfums d’arbres fruitiers en fleurs.

Après déjeuner, on me montra mes présents, car jusqu’ici, je n’avais encore reçu que deux ou trois images, dont l’une en dentelle, offerte par Amanda. Nous nous assîmes aussi quelques instants sur la galerie. Je parlais peu. Jean m’offrit d’aller me bercer quelques instants dans le hamac, avec lui, mais je refusai.

De retour à l’église, dans l’après-midi, je dus faire effort pour prier, car la fatigue m’enfiévrait. On nous fit renouveler les promesses de notre baptême, on nous reçut du scapulaire et avant de partir, à chaque petit garçon et à chaque petite fille, on donna une grande image-souvenir. Je passai la récréation du soir à examiner les cadeaux de mes compagnes et à leur montrer les miens. En me mettant au lit, un peu plus tard, je pensai à toute ma journée, souris au bon Dieu et m’endormis de lassitude. Au milieu de la nuit, je m’éveillai, ce qui, pour moi, était un véritable événement ; on avait oublié de baisser les lattes de la jalousie, la seule de tout le dortoir dont les lattes fussent mobiles et la lune m’inondait le visage. À travers les lattes, je distinguai aussi, maintes petites faces d’étoiles souriantes et me tournant de l’autre côté,