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MOISSON DE SOUVENIRS

— Elle n’y est jamais ; il faut sans cesse la sortir des nuages.

— Ah !… elle rêve ?… Romanesque ! Elle le deviendra si elle ne l’est pas encore tout à fait. En somme, les dispositions les plus funestes. Je vous en supplie, ma Sœur, surveillez-la. Je vous cède tous mes droits sur elle.

— Bon ! bon ! Elle se formera avec l’âge, cette enfant, disait grand-père. À peine si elle est longue comme le doigt.

Invariablement, je revenais en larmes et si nous rencontrions la petite mère Saint-Louis qui était jeune et rieuse, elle ne manquait jamais de s’écrier, pour tâcher de me faire rire :

— Marcelle qui pleure encore ? Vite que je coure chercher mon parapluie.

C’est vrai que j’étais pleurnicheuse ; d’abord parce que ma conscience avait souvent besoin d’être soulagée, ensuite parce que j’avais l’âme à fleur de peau : un rien me froissait, me contristait. Par contre, un rien aussi, me soulevait jusqu’au ravissement. Notre « Livre d’images » pourrait en témoigner.

Il était de dimensions respectables, avec une couverture grenat agrémentée d’oiseaux dorés voletant parmi des fleurs étranges. Sur chacune de ses pages demi-carton, notre tante Xavier avait collé, en les distribuant avec art, quantité d’images en couleur, glanées ici et là. Nous l’avions reçu au couvent, notre tante s’excusant de n’avoir pu le terminer pour le premier janvier. Thérèse et Amanda l’avaient parcouru avec le plus vif intérêt et le réclamaient encore de temps en temps, mais j’en