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ENFANCE

ce serait le couvent. Formulant ma pensée, il continua :

— Vous rentrez demain au couvent, hein ?

J’acquiesçai, le cœur gros, tandis que, parmi les bonbons que me présentait Thérèse, je choisissais un capuchon de chocolat. J’aurais voulu attendre que mon malaise fût dissipé, pour le porter à ma bouche, mais il s’écrasait entre mes doigts chauds et je me hâtai. M. Saint-Maurice se courbait de nouveau à ma hauteur :

— As-tu encore ton portrait ? demanda-t-il.

En effet, mon portrait ? Qu’est-ce qu’il était donc devenu ? Les joues me brûlèrent.

— Tu l’avais perdu, hein ?

Et ouvrant sa veste, d’une poche, à l’intérieur, il en retira la précieuse feuille qu’il me tendit.

— J’aurais bien pu la garder, conclut-il, mais je te la donne, à condition que tu y fasses attention.

Je promis humblement. À l’autre extrémité du salon, Jean était toujours captif et j’éprouvai le besoin de faire un gros soupir.

— Ho ! les enfants, dit grand-père, tout à coup. Préparez-vous, nous allons partir.

Je me demandai s’il plaisantait. Ce devait être pour rire… Mais chacun parla en effet, de se retirer.

— Ho ! les enfants, répéta grand-père.

Alors, avec la rapidité de l’éclair, je compris enfin : j’avais dormi si longtemps que tout était fini déjà : la soirée, les vacances. Et je me sentis tellement frustrée que mes yeux s’emplirent de larmes, tandis que mon menton tremblait. Il me fallut bien suivre les autres ; on m’habilla, on me