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MOISSON DE SOUVENIRS

de la prudence ; la crainte de me voir porter le trouble chez toi, le retenait puissamment.

Mais mes pauvres efforts n’étaient rien auprès de la grâce qui le travaillait et il est sauvé enfin ! Il m’a confié qu’enfin décidé de s’abandonner à la direction d’un confesseur, il s’était subitement trouvé en face de toi, en entrant à l’église et que ses résolutions avaient fondu, comme la neige au soleil. Qu’importe ? Il a ouvert les yeux et consommé de lui-même l’holocauste ; aussi, mes longues supplications au Très-Haut, se sont-elles changées en hymnes de reconnaissance ineffables.

Attendrie et torturée, je pleurais depuis longtemps, sans que grand’mère eût jugé à propos d’interrompre son récit. Enfin, elle se tut et mes larmes taries à leur tour, j’appelai :

— Grand’mère ?

— Qu’est-ce ? demanda-t-elle, sans même tourner les yeux de mon côté.

Je demeurai muette ; alors, posant la main sur mon front :

— Voyons ! fit-elle doucement, est-ce qu’on se gêne avec sa grand’mère ?

Glissant sur le tapis, j’enfouis ma tête dans les plis de sa jupe.

— Grand’mère ! dis-je encore. Vous avez espéré dans quelques-uns ; vous étiez sûre pour Jean. Mais pour moi, n’avez-vous rien pensé ?

Laissant tomber son tricot, elle me releva promptement et me tint embrassée, longtemps, longtemps. À ce moment, et ce fut aussi étrange que bon, j’eus l’impression très nette, que Jean avait pressenti cette minute. Mentalement, je relisais sa