Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
ENFANCE

moments ; parfois, vive et subite, elle troublait ma digestion et me donnait des « points » qui m’affolaient, mais que je désirais ensuite, car ils devaient prouver, me semblait-il, combien j’étais encore malade. Je ne me rassurai enfin, qu’en voyant revenir les beaux jours.

Mais avec septembre, je compris qu’il n’y avait plus de rémission possible ; j’approchais de mes huit ans : l’ère de l’insouciance était finie pour moi. L’avant-veille du départ, il nous arriva une petite sœur nouvelle et maman malade, surchargée d’occupations, parut presque soulagée, quoique ses yeux fussent humides, de nous voir partir. Une fin d’après-midi, avec Thérèse et Amanda, mes sœurs, j’arrivai donc au couvent, qu’avec angoisse, je croyais vaguement reconnaître. Les religieuses nous embrassèrent, nous questionnèrent affectueusement, après avoir fait toutes sortes d’exclamations à mon sujet. À l’unanimité, elles déclarèrent que je n’étais pas changée : non, je n’avais ni maigri, ni grandi. Ce fut charmant de retrouver toutes les petites filles et de jouer avec elles ; je n’avais pas pensé à ce plaisir. Mais au dortoir, je dormis drôlement et quand la cloche sonna le réveil, je ne parvenais pas à comprendre où je me trouvais.

Maman m’avait fait étudier à Lowell et je me trouvai presque en avance : j’apprenais sans effort, des leçons déjà sues, les devoirs devenaient limpides et je me trouvais relativement heureuse quand la mère de Jean obtint de m’emmener chez elle, à l’expresse condition de me remettre à la Supérieure, le premier novembre au soir. Il s’agissait de me composer un trousseau d’hiver. N’ayant pu y