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JEUNESSE

j’étais résolue de l’aller voir, dès que mon avenir serait enfin fixé. Auparavant, je n’osais.


XIV


Le petit Jean est mort, mesdames,
Le petit Jean est mort…

C’était maman qui chantait parfois ce fragment de chanson ancienne, qu’elle-même qualifiait d’insignifiant. Moi, en entendant cela, je me renversais sur le dossier de ma chaise et sûrement, je devenais toute blanche.

Ah ! que nenni, il n’est pas mort,
Il dort d’un grand sommeil…

continuait maman ; mais je ne me rassurais pas. Le crayon s’affolait entre mes doigts, et bientôt, incapable de rester seule, je quittais la chambre où j’aurais pu travailler avec délice. L’histoire était lamentable : un samedi après-midi, après quelques emplettes aux magasins, j’étais entrée à la petite chapelle de Notre-Dame de Lourdes. Avant de la quitter, comme je m’attardais dans le vestibule, à boutonner mon gant, la porte extérieure s’ouvrit sous le geste d’un bras nerveux et le visage soucieux de Jean m’apparut. Sous le choc de la surprise, je m’écriai, je ne sais pourquoi :

— Oh ! mais qu’y a-t-il donc ?

Jean parut plus impressionné encore que moi et en proie à une forte préoccupation, c’était visible, il me regarda quelque temps, sans trouver ses mots.