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MOISSON DE SOUVENIRS

mais fraîche, sincère, avec quelque chose d’ému. Et c’étaient mes bébés de Saint-Claude, traçant laborieusement leurs bâtons. Au Foyer, on se déclara enchanté et la Secrétaire m’écrivit un petit mot charmant de félicitation.

Le mois suivant, j’envoyai encore un enfant, puisque les enfants plaisaient tant à ces dames. « Innocence » disait la légende, cette fois. Sur le banc proche du confessionnal, où il attendait son tour, le gros petit garçon s’est endormi : c’est donc que sa conscience ne lui reproche rien de grave. Il portait des bas courts et ses genoux blancs s’arrondissaient, fermes ; ses cheveux étaient taillés en brosse et les traits délicats, la bouche à peine indiquée disaient si bien Victor, qu’à la maison, on le reconnut : maman, d’ailleurs, se rappelait l’incident.

Au Foyer, on pria Roseline de m’amener : on était curieux de me connaître. Certain dimanche, je me rendis donc avec ma sœur, à une assemblée des Zélatrices. La petite salle était remplie et toutes ces personnes, m’assura Roseline, se dévouaient de quelque façon à l’Œuvre. Moi-même, par le fait d’avoir donné des dessins, j’étais devenue zélatrice ; ce n’était pas très malin. La séance terminée, nous fûmes entourées, ma sœur et moi, et après l’avoir redouté, je trouvai fort aimable ce petit groupe enthousiaste. Je dus répondre à quelques questions bienveillantes, saisir de délicates allusions et surtout, promettre de revenir et de collaborer encore. Au moment où nous allions nous retirer, une petite aux grands yeux noirs qui m’avait timidement examinée, sans un mot, depuis le commencement, s’écria tout à coup, oubliant sa réserve :