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MOISSON DE SOUVENIRS

À l’église, je me trouvai soudain au côté de Jean. Nous arrivions tard, l’église était remplie de monde et la messe commençait. Des lumières, encore des lumières, de l’encens, des chants graves, un prêtre en habits d’or, pontife mystérieux, à qui répondaient les voix et la musique. À l’autel de droite, des sapins et le Petit-Jésus que nous ne voyions pas. Nos minuscules personnes ne nuisaient pas trop, je l’espère. On nous abandonna le petit banc pour nous asseoir et à l’Élévation, nous inclinâmes la tête sans nous agenouiller. Lorsque c’était trop beau, soit à l’orgue, soit devant mes yeux éblouis, je touchais Jean et l’implorais des yeux. Alors, il me regardait un peu, penchait deux ou trois fois, sa petite figure crispée, comme pour dire : « Oui, oui, c’est bien beau », puis, attentif, il retournait à son immobilité rêveuse.

L’office terminé, on nous amena à la Crèche où l’Enfant-Jésus, couché sur un peu de paille fraîche, tendait ses petits bras potelés. Nous le regardâmes longuement et pas un instant, il ne cessa de sourire.

Dehors, les voitures s’éloignèrent, les unes après les autres, les vitraux s’obscurcirent et l’église se profila, haute masse sombre, sur le firmament palpitant. Frissonnants dans le sleigh, nous attendions toujours. Enfin, grand-père s’approcha à pas vifs, monta dans la voiture, s’empara des guides ; mais avant de s’asseoir, en un geste singulier qui ne nous échappa nullement, à Jean ni à moi, il palpa avec grand soin, l’une, puis l’autre des poches de son pardessus.

Grand’mère avait Jean sur ses genoux et tante prenait soin de moi. Le village, vite dépassé, nous