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MOISSON DE SOUVENIRS
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gées, mes images semées à terre, sur moi, partout, mais enfin je tenais le précieux dessin et de me voir, à huit ans, je riais toute seule.

Après avoir échangé quelques mots avec maman, Roseline entra chez moi, revenant de dehors.

— Dans le monde, dit-elle, suivant une expression qu’elle affectionnait, dans le monde, que fais-tu là ?

Je lui tendis la feuille.

— Reconnais-tu ceci ? Je dois te l’avoir montré déjà ? Un portrait que M. Saint-Maurice a fait de moi, quand j’avais huit ans.

Elle secoua la tête et dit sans regarder :

— Je ne me rappelle pas. Tu le connaissais donc, M. Saint-Maurice ? Maman vient de m’en parler.

— Je ne l’ai vu qu’une fois, répondis-je. À huit ans, chez tante Hermine, un jour des Rois.

— Et tu l’as reconnu ?

— Oh ! c’est que lui-même paraissait me reconnaître. Puis, je me suis rappelé que Victor l’avait nommé M. Saint-Maïce. D’ailleurs, il n’a pas changé du tout, d’après mes souvenirs : à peine s’il a grandi.

Tourmentant le gland de sa fourrure, Roseline demeura quelque temps sans parler, puis elle s’éloigna tout à coup, en murmurant :

— C’est une affaire curieuse…

Pour expliquer ses yeux rouges, au souper, elle avoua avoir pleuré et parla d’un mal de tête. On la crut : avec sa constitution délicate, les malaises se succédaient pour elle, sans interruption. Oh ! non, Roseline n’était pas forte ! Infirme par-dessus le marché, car une jambe plus courte que l’autre, la faisait légèrement boiter. En châtain et avec