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SECONDE PARTIE

XI

— Racontez-moi donc votre histoire, voulez-vous, mon enfant ? Dites-moi ce qui vous a poussée à partir de chez-vous.

La question prend Bernadette au dépourvu. Le premier soir de son arrivée ici, elle s’est épanchée sous le coup de l’émotion, mais depuis, elle a eu le temps de se ressaisir…

Elle habite Chambly depuis au-delà d’un mois. Sa vie a bien changé. Mme Beauchemin, ainsi qu’elle en a, de sa main, écrit la promesse à Mme Nadeau, la traite, non en servante, mais comme une jeune parente dont un impérieux devoir l’aurait chargée.

— Vous n’étiez pas tout à fait heureuse, n’est-ce pas ? On ne vous comprenait pas bien ? insiste Mme Beauchemin. Et, avec votre sœur, que s’est-il passé, au juste ?…

Bernadette s’exécute alors et au moment qu’elle en commence le récit, elle s’étonne de retrouver si fraiche en sa mémoire cette ancienne histoire.

— C’est un chambreur que nous avions pris, dit-elle. Aurore l’aimait mais lui ne lui témoignait aucune attention ; maman disait que c’était par taquinerie car ma sœur est belle et, à l’ordinaire, elle plaît à tout le monde. Un jour Aurore m’a reproché de travailler contre elle, auprès du chambreur, alors que les occasions mêmes de l’approcher me faisaient défaut. Elle devait s’être aperçue, je l’ai pensé plus tard, qu’il me prenait en pitié car sa chambre n’était sépa-