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C’est qu’elle était beaucoup mieux Marie-Anne : sa taille jeune s’était redressée, elle avait plus souvent du rose aux joues, et souriait avec moins de retenue. Leur petit squelette lui-même, depuis deux semaines, ne pleurait plus et à force de bien manger devenait gras et potelé comme une poupée de petite fille. Si bien qu’un beau jour, j’écrivis à ma mère et à mon frère que j’allais leur revenir.

Ma dernière nuit ne me fut guère profitable. Je dormis peu et pleurai beaucoup. Aurais-je cru, jamais, qu’une cœur de vieille fille pût être aussi dolent ? J’étais heureuse d’aller retrouver les miens, et je me mourais de chagrin. Que regrettais-je au juste ? Était-ce Marie-Anne avec Francis ? Les enfants ? La campagne toute transie que l’hiver guettait ? Je crois que c’était tout cela… Dans mon cœur très large, c’était comme si on avait arraché quelque chose à pleines mains, j’y sentais un grand trou sombre qui cuisait comme une blessure. Au petit jour seulement, un peu de sommeil m’engourdit et Marie-Anne vint presque aussitôt m’éveiller pour Francis qui partait déjà et voulait me faire ses adieux.