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le balai », m’avouait-elle. Pauvre Marie-Anne ! C’était sûrement la moins bruyante. Elle me servait un léger souper, fabriqué hâtivement, et j’étais surprise de la voir disparaître à toute minute dans la chambre voisine. Je vous demande un peu, ce qu’elle allait faire là ? Elle ne nous expliquait pas ses absences, mais je finis par remarquer qu’à chacun de ses retours, ses yeux luisaient comme de l’argent poli, sous les rayons de la lampe, et sa voix, toute contenue, tremblottait, on eût dit, quand elle me demandait : « Le pain n’est pas bien frais, n’est-ce pas ? Veux-tu un peu de thé encore ? Si tu nous avais prévenus, je t’aurais fait des tartes aux pommes, tu les aimais, il me semble ? » Ses joues étaient roses un peu, ses lèvres légèrement gonflées… Quoi ! Aurait-elle pleuré ?…

Je me levai tard le lendemain. Francis était parti et mon seul déjeuner m’attendait dans le réchaud. Près de la table à moitié desservie, les enfants jouaient sans bruit, à la façon des sauvages ; je vis cela en descendant l’étroit escalier de bois, dont chaque marche criait sous mes pieds. Je vis aussi Marie-Anne qui agitait le berceau