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CONTES D’HIER

— Alors vous êtes heureux ?

— Je ne serai pas malheureux. Non… Elle est bonne, travaillante, d’humeur égale. Allons ! bonsoir la Louise… Je ne reviendrai plus… Il ne faut pas… Et si j’arrête, vous, rentrez. Il ne faut pas !…

Il s’en alla, courbé comme un vieillard. Quand il se fut engagé dans le chemin, que bordent de chaque côté les arbres géants, la Louise se prit à le suivre de loin, désespérée. Lui allait à grands pas et tourna bientôt avec la courbe de la route. Le vent qui prête une voix à la nature, s’éleva en ce moment et aussitôt un vieux pin, posté comme une sentinelle, branla la tête et se mit à chanter, doux et plaintif : « Il est malheureux : c’est fini ! fini ! » Tous les autres arbres reprirent en chœur, agitant leurs feuilles sèches : « C’est fini ! Sa vie est brisée ! Par ta faute… Toi, une femme, tu n’as pas eu pitié ? Honte ! Honte ! »

La Louise prit peur et s’enfuit en rebroussant chemin, mais les arbres ne se taisaient pas, et le vent lui sifflait des choses aux oreilles. À leur tour, les feuilles mortes qui jonchaient le sol s’émurent et, se levant en tourbillons, partirent à