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CONTES D’HIER

cis, elle entendit rire doucement dans le passage, et sa stupéfaction fut à son comble, car elle reconnaissait la voix de Hubert. Presque aussitôt, la porte qu’elle avait refermée sur elle s’ouvrit violemment, livrant passage à sa tante, les bras couverts de farine et toute frémissante. Berthe eut juste le temps de se reculer dans l’angle sombre. Elle n’osait souffler. Sa tante regardait attentivement dehors, la main sur le bouton de la porte, son tablier relevé sur ses cheveux gris. Tout à coup, elle ouvrit la porte et élevant la voix :

— « M. Gagné, fit-elle, avez-vous de belles oies ? » Une bouffée d’air glacé, la neige qui crie, des sonnailles de grelots et la voix du boucher qui répond :

— « Extra belles, madame ! »

Prompte et silencieuse, Berthe passe derrière sa tante et se retrouve au pied de l’escalier. Elle n’a plus ni force ni courage et se laisse choir sur les degrés, la tête sur son bras, n’ayant plus que l’idée de dormir ; ses membres sont de plomb, elle ajourne son projet, et voilà qu’en allongeant la jambe, elle aperçoit maintenant une de ses bottines qui n’est pas boutonnée.