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CONTES D’HIER

La jeune fille interrompt sa promenade. Un étrange sourire amer retrousse sa lèvre rose et molle, et de sa voix harmonieuse :

— Il craint peut-être le mauvais temps…

Il va pleuvoir. L’air est étouffant, et le ciel très bas n’a pas grand comme la main de bleu. Le silence est complet dans la maison ; seul, en se consumant le gaz soupire et chantonne. Le piano fermé a de beaux larges reflets sur ses flancs polis ; les roses se meurent, dans leur vase précieux, se renversent en arrière, ou penchent à droite et à gauche, leurs belles têtes défaillantes, suppliant qu’on leur accorde un peu d’air frais. Dans un coin se dresse, superbe, la Vénus de Milo, et dans son cadre d’argent mat, posé sur un chevalet, sainte Cécile, en extase, lève les yeux au ciel. La rumeur affaiblie de la ville en mouvement vient mourir au ras de la fenêtre, mais on perçoit nettement le pas des rares passants qui claque sur le pavé sonore.

— Grand’mère, allez vous coucher, tout de suite !

— Mais, petite fille…

— Non, non ! Vous tombez de sommeil. Et puis,