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LE VOYAGE BLANC

méfiais et je tombai dans le piège tant qu’elle voulut. Il est impossible de déployer plus de ténacité et d’adresse. Puis, elle voulut ses lauriers nous sortions, tous trois, pour une promenade, quand Marie regretta de n’avoir pas pris son tricot. Elle nous pria de l’attendre et partit en courant. Restée seule avec moi, Annie arracha une feuille de lilas et en silence, elle se mit à l’enrouler et à la dérouler autour de son doigt. Inquiet, j’attendais ce qui allait venir. Tout à coup elle rit, et sans lever les yeux : — « Je suis allée au village aujourd’hui, me dit-elle, savez-vous qu’on s’y occupe beaucoup de vous ?… — Vraiment ? Elle rit plus fort en enfonçant ses doigts dans la feuille luisante. — Oui, on dit : Clément nous prépare du nouveau, il n’y a pas à s’y tromper. Mais à qui donc en veut-il, est-ce à la blonde ou bien à la brune ? » Je dis : « Comme les gens sont aveugles ! Vous qui saviez, mademoiselle, les avez-vous renseignés ?… » Ma foi, elle me bouda un peu ce soir-là. Enfin, un dimanche après-midi, j’arrivai sans être attendu ; le hasard voulut que Annie fut à lire au jardin. Elle vint à ma rencontre et me dit très excitée : « — Vous allez trou-