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serviteurs trois mille brebis et mille chèvres[1]. Des esclaves ou des serfs en plus ou moins grand nombre étaient nécessaires pour l’exploitation de ce capital et étaient eux-mêmes considérés comme un capital. Des accumulations de provisions pour l’usage domestique achevaient de caractériser la richesse de ces époques ; mais troupeaux et esclaves ne pouvaient être possédés en quelque quantité que par ceux qui étaient déjà maîtres de la terre. L’or et l’argent, d’ailleurs fort rares, étaient recherchés comme parures et comme un moyen de se procurer à haut prix des subsistances en cas de disette ou de solder des gens de guerre. Les princes du moyen âge encore avaient pour suprême ressource financière la vente ou la mise en gage des joyaux de la couronne. Graduellement, chez les races supérieures, un état économique fort différent se substitua à celui-là. Les arts se perfectionnèrent, les productions manufacturières se localisèrent, les cultures industrielles et l’élevage des moutons en vue de la production en grand de la laine introduisirent un élément nouveau dans l’agriculture. Le commerce dut se développer pour fournir à certains centres de fabrication ou de consommation les produits bruts d’une part, les objets manufacturés et les subsistances qui leur étaient nécessaires, de l’autre. Le capital joua dès lors, sous la forme d’approvisionnements, de matières premières et de stocks de marchandises, un rôle analogue à celui que plus tard les progrès de la technique devaient lui donner sous la forme d’outillage industriel. L’économie monétaire (geldwirthschaft), dans laquelle chacun produit surtout en vue de l’échange, prit ainsi de plus en plus la place de l’économie naturelle (naturalwirthschaft), dans laquelle chaque famille cherchait à produire tous les objets de sa consommation par les fabrications domestiques. Les métaux précieux, recueillis avec d’autant plus de soin que leur grande puissance d’acquisition rendait lucratives des industries comme celle des orpailleurs, s’accroissaient peu à peu et devenaient un facteur important dans

  1. Livre des Rois, I, chap. xxv.