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En 1888, dans une année relativement prospère, sur 257 charbonnages belges, 91 seulement ont été en bénéfice, 42 ont été en perte et 124 sont restés abandonnés ou inexploités. L’ensemble des dividendes comparé à l’ensemble des capitaux engagés dans les houillères n’a représenté que 1,5 pour 100 d’intérêt.

En France, en 1888, pour 226 mines de houille, de fer et autres minerais, qui ont donné 41.360.461 francs de bénéfices imposés (c’est-à-dire les dividendes et les réserves), 201 mines ont été en perte et ont laissé un déficit de 5.523.606 fr. Dans l’ensemble, le capital engagé dans ces 427 mines n’a produit que 4 pour 100. Or, notez bien que 1888 a été une année de vive reprise pour l’industrie[1].

Ce sont ces espérances de reprise qui entraînent bien des établissements à continuer, parfois pendant des années, une production à perte. A-t-on réfléchi à ce que signifie, pour un industriel, produire à perte ?C’est produire dans des conditions telles qu’il n’y a point de dividendes, mais que l’outillage est entretenu et reste intact pour une époque plus favorable, tandis que la liquidation ou l’arrêt absolu de la production entraînerait sa destruction totale. Ce calcul est souvent trompé par l’événement, et bien des établissements finissent par liquider après avoir dévoré leur capital en quelques années.

Ce capital a été employé en salaires, et c’est lui qui, en se consumant, a nourri les travailleurs. L’hypothèse de Karl Marx se trouve complètement renversée.

Ces cas-là se produisent fréquemment dans la grande industrie,

  1. L’industrie des mines en France et à l’étranger, par M. Henry Couriot (Paris, 1890), pp. 14, 34, 36. Chaque année, l’Administration des mines établit les résultats financiers des exploitations, qui sont en perte ou en gain.