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du Nord ont reçu en salaires 20.529.406 francs et les actionnaires 2.751.914 francs. La journée moyenne de chaque ouvrier, en réunissant ensemble toutes les catégories d’ouvriers, ressort à 3 fr. 306. Les dividendes perçus par les actionnaires ne grèvent chaque journée que de 0 fr. 443, soit de la valeur d’une heure et quart de travail, moyennant quoi ils ont l’usage de l’énorme outillage, des travaux de fonds, de toute la direction technique, qui font la productivité de ces grandes entreprises. Prenons une exploitation particulièrement prospère, — c’est toujours dans celles-là que le salaire est proportionnellement le plus haut, — les mines d’Anzin. En 1884, les actionnaires ont touché 1.200.000 fr. de dividendes pour un personnel de 14.000 ouvriers, ce qui réduit le prélèvement sur chaque journée d’ouvrier à 0 fr. 28, soit la valeur de trois quarts d’heure de travail. Nous voilà bien loin des six heures où se trouve, d’après Karl Marx, le fameux secret de l’accumulation capitalistique.

Veut-on savoir ce que rendent les chemins de fer français d’intérêt général dans leur ensemble ? 5 pour 100 seulement, si l’on déduit les subventions de l’État du chiffre total de 12 milliards trois quarts que la constitution du réseau avait coûtés à la fin de 1885. La productivité extraordinaire de ces nouvelles voies de communication a en réalité profité surtout au public et à l’État, qui en retire des impôts et des services gratuits pour des sommes bien supérieures aux dividendes des actionnaires[1]. Les capitaux employés à la construction des chemins

  1. De Foville, la France économique (2e édition), p. 313. En 1890, le dividende des actions des six grandes compagnies a été l’une dans l’autre de 46 fr. 84, soit 9 p. 100 sur 500 francs de capital versés au début de l’entreprise. Les obligations, suivant leur date d’émission, touchent un intérêt variant de 5 à 3,50 p. 100. Depuis 1865, le dividende des actions a toujours été en diminuant : la hausse des actions est uniquement le résultat de l’élévation du taux courant de capitalisation. Les chiffres suivants prouvent combien supérieurs sont les profits réalisés par le public et par l’Etat : les recettes brutes, qui étaient en 1865 de 526 millions, sont montées en 1890 à 1.086 millions, et les recettes nettes ont passé pendant la même période de 296 millions à 535. En 1865, les actionnaires avaient reçu comme dividendes 159.695.500 fr. ; en 1890 ils ont touché net seulement 146.803.588 francs. Pendant ce temps les impôts et services gratuits perçus par l’Etat passaient de 91.700.000 fr. à 300 millions. L’écart entre la progression des recettes nettes et des recettes brutes tient aux diminutions considérables de tarifs que les compagnies ont faites pendant ces vingt-cinq ans. L’accroissement des recettes nettes des chemins de fer a été absorbé complètement et au delà par l’intérêt et l’amortissement des obligations émises pour la construction de lignes improductives auxquelles les Compagnies ont largement concouru et qui, quoiqu’elles ne donnent pas de bénéfice financier, n’en constituent pas moins un élément considérable de richesse pour la communauté nationale. Pour le détail de ces chiffres par compagnie, voir la communication faite par M. A. Neymarck en 1891 à la Société de statistique de Paris : les Chemins de fer et l’impôt ; la légende des gros dividendes.