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Un forgeron qui, en ayant seulement 33 pour 100 du produit, gagne 4 francs par jour, n’est-il pas dans une meilleure situation que le barbouilleur qui touche l’intégralité du produit, soit 3 francs ?

Non seulement la production est en raison de la somme des capitaux qui y a été engagée ; mais l’ouvrier bénéficie sur sa part de leur collaboration. C’est pourquoi il est proportionnellement mieux payé dans les industries les plus productrices. La statistique minérale allemande pour 1885 en donne un exemple décisif en montrant comment la puissance d’extraction d’une mine influe à la fois sur la production par homme et par an qui fait le bénéfice de l’entreprise, et sur le gain annuel de l’ouvrier.

Dans sept grandes exploitations houillères de la Westphalie, qui produisent l’une dans l’autre 836.000 tonnes et occupent chacune en moyenne 2.600 ouvriers, la production moyenne par homme et par an est de 320 tonnes : cette production descend à 297, 270, 255, 254, 240, 222 tonnes au fur et à mesure que l’importance de l’exploitation décroît ; elle est finalement de 173 tonnes par homme et par an dans 15 mines qui produisent seulement de 3.000 à 64.000 tonnes et n’occupent chacune en moyenne que 230 ouvriers. Or, la proportion du salaire annuel par homme, comparativement à la production totale, va en s’élevant plus la production est grande : de 100 dans les petites exploitations, elle monte successivement à 105, 110 et 114 dans les grandes, toujours en proportion de leur importance[1].

V. — Selon Karl Marx, le capital se constitue au moyen de l’absorption continue d’une partie de la force des travailleurs par les entrepreneurs d’industrie. Un ouvrier, dit-il, produit en six heures l’équivalent de son entretien ; l’industriel le fait travailler douze heures et ne lui donne qu’un salaire équivalant à cet entretien : donc, le produit de six heures de travail va à l’industriel, qui transforme en capital cette

  1. E. Gruner, les Associations et Syndicats miniers en Allemagne (Paris. Chaix, 1887, in-4), pp. 41-42.