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milieu de ce siècle, Gordon Bennett, le fondateur du journalisme d’informations, n’ont-ils pas été, eux aussi, des créateurs de la richesse ?

Un chevalier du travail s’élevait à bon droit, dans un meeting public, contre l’envie que soulevait la grande fortune faite par le premier des Vander Bilt, celui qu’on appela le commodore :

De quel droit prodigue-t-on à cet homme des épithètes offensantes ? Les dix millions d’ouvriers auxquels il amenait de Chicago les blés nécessaires à leur subsistance, les centaines de millions de voyageurs qu’il transportait sur ses bateaux à vapeur et ses chemins de fer, ont tous bénéficié de son esprit d’entreprise. Pas un sur cent mille ne l’a vu, ne le connaît, ne saurait juger l’homme privé, ses qualités ou ses défauts. Nous parlons des capitalistes comme si leur fortune ne profitait qu’à eux ; mais que faisait Van der Bilt des sommes énormes que marchandises et voyageurs accumulaient dans ses caisses ? Il salariait des milliers d’ouvriers et d’employés, construisait une voie ferrée de New-York à Chicago, réduisait le prix des transports. Il édifiait un palais, dites-vous, et l’ornait d’œuvres d’art ? Mais cela représentait une bien minime fraction des sommes employées par lui pour créer de nouveaux moyens de communication, construire des bateaux plus solides et plus vastes. S’il ne l’eût pas entrepris, un autre l’eût fait ; soit ; mais, comme lui, cet autre en eût retiré les mêmes avantages. Souhaitons plutôt que le pays continue à produire de pareils hommes. Il en faut pour perfectionner notre outillage commercial et l’amener à un point tel que nous puissions nous procurer au taux le plus minime possible les nécessités et le comfort de la vie[1].

Il faut l’ajouter aussi, ce sont ces créations industrielles et commerciales nouvelles qui, sans violence et sans porter atteinte à la justice, débarrassent l’humanité des valeurs représentées par les capitaux anciennement engagés et qui font marcher l’œuvre du progrès général (chap. iii, § 5).

Que de fortunes moyennes se sont élevées autour de ces grands innovateurs, quel emploi n’ont-ils pas donné aux capacités des hommes de valeur placés sous leur direction ! [fin page52-53]

  1. Cité par Varigny, les Grandes fortunes, pp. 47-48.