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beaucoup et ils sont devenus en Italie, en Angleterre, en France, la souche de familles qui ont pris rang dans la noblesse et ont acquis la terre. Il est aujourd’hui bien peu de familles nobles en Europe à l’origine desquelles on ne trouve un homme de loi ou qui ne se soit relevée par l’alliance avec la fille de l’un d’eux. Sur de moindres proportions, on peut observer la même chose pour les médecins et les chirurgiens.

La fortune des hommes de loi se développait difficilement là où la terre était inaliénable ; mais dès qu’elle fut entrée dans le commerce, ils l’achetèrent et pénétrèrent dans les cadres de l’aristocratie foncière. Leur essor a été surtout favorisé par l’accroissement du numéraire et par la reconnaissance de la légitimité des contrats de crédit : constitutions de rente, commandites, prêts à intérêt. L’avènement des valeurs mobilières a facilité encore la conservation et l’accroissement de leurs accumulations.

Souvent cette classe a abusé de ses relations avec la souveraineté et avec le pouvoir judiciaire pour exagérer ses profits et se livrer à des extorsions déguisées sous le nom de frais de justice. Dans toute l’Europe, pendant le moyen âge, les hommes de loi paraissent avoir largement profité de leur position, soit comme juges, soit comme conseils. En France, à partir du xvie siècle, le mal fut encore augmenté par la vénalité des offices. Le nombre des officiers de justice fut multiplié au delà de toute proportion avec les besoins du public, et la nécessité de récupérer l’intérêt de la somme consacrée à l’acquisition de leur charge les poussa à augmenter les frais, les épices, dont ils chargeaient les plaideurs[1]. Ils devinrent alors vraiment une classe parasite.

Ces abus ont à peu près disparu, si ce n’est à Paris autour de la justice consulaire et quand il s’agit de grandes affaires

  1. Sous Louis XIII, un intendant de province parlant d’une petite ville dit : « Les habitants de cette ville ont généralement fort peu de biens. Leur occupation principale est l’exercice de la justice. » D’Avenel, Richelieu et la Monarchie absolue (Plon, 1890, t. IV), pp. 36 à 58.