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ces remaniements monétaires ont aggravé les maux qu’ils prétendaient soulager de très bonne foi.

Qui nous garantit que les gouvernements associés n’interpréteraient pas les statistiques à contre-sens, qu’ils ne confondraient pas les marées économiques avec les changements dans la valeur de la monnaie, surtout qu’ils ne se départiraient jamais d’une impartialité scientifique absolue ?

Ils y seraient d’autant plus exposés que des partis se formeraient dans le but de les pousser à prendre telle ou telle mesure monétaire favorable aux intérêts d’une classe. Aux États-Unis, quand les payements en or ont été repris, après une longue période de papier-monnaie, une contraction des prix s’est produite qui a aggravé la position des débiteurs. Les agriculteurs endettés de l’Ouest formèrent le parti des greenbackers, qui réclamait des émissions de papier-monnaie dans l’intérêt du peuple. De nos jours, la Farmer’s Alliance a repris ce programme et les Agrariens de Prusse préconisent des projets semblables.

Au lieu des perturbations, qui seraient inévitablement causées par l’action des partis sur la monnaie, ne vaut-il pas mieux accepter celles qui proviennent des causes naturelles, telles que la plus ou moins grande production des mines, comme l’une des vicissitudes auxquelles sont soumises les choses humaines ? Des deux maux le dernier est assurément le moindre.

La pensée intime qui a inspiré dans ses grands travaux M. Walras se révèle par un mot : « Il faut, dit-il, agir sur la nature des choses dans l’ordre social comme dans l’ordre industriel. » Et il indique que la tâche de nos petits-enfants, au vingtième siècle, « sera de réformer les unes après les autres les conditions légales de la monnaie, de l’agriculture, de l’industrie, du commerce, du crédit, de la spéculation, de l’association, de l’assurance, de la propriété, de l’impôt ».

Il est certain que plusieurs des impossibilités pratiques actuelles de son système peuvent disparaître par des changements dans la constitution politique et économique des nations. De tous les côtés de l’opinion se produisent tant de visées pour la réorganisation des rapports sociaux, on demande tant à l’État d’agir sur la nature des choses, qu’il se pourrait bien que dans la seconde moitié du vingtième siècle certaines des idées de M. Walras fussent en voie de réalisation. Mais ce ne sera pas seulement par les progrès pacifiques du droit des gens, de la statistique et de l’économie politique. Que de révolutions pour établir les États-Unis du monde, qui peuvent seuls réaliser cette conception ! Et après, quel travail de déblai sur tous les éléments de la vie sociale, depuis les nationalités jusqu’à l’organisation des établissements industriels, pour rendre possible cette détermination