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fondamentale de tout l’équilibre économique. » Cet état d’équilibre rappelle un peu l’ordre essentiel des Physiocrates. Il n’est jamais réalisé.

L’étude des faits historiques et l’observation contemporaine montrent la fausseté des théories qui prétendent que les salaires sont réglés par l’action de lois fatales et selon des formules mathématiques. Le taux des salaires est sans doute limité par certains maxima et certains minima ; mais il est fortement influencé par la productivité des industries, par l’organisation de la classe ouvrière, par les rapports moraux existant entre les patrons et les ouvriers. La part prélevée par ceux-ci n’est pas une quantité fixe : elle varie et en fait elle a augmenté notablement depuis cinquante ans. On ne peut donc pas dire que le prix des marchandises exprime virtuellement le prix du travail qui leur est incorporé, comme si c’était une quantité constante. En outre, l’efficacité des salaires varie suivant les lieux et les conditions d’existence du travailleur. Les salaires d’un ouvrier d’une raffinerie à Paris et d’un ouvrier d’une usine des Vosges ne peuvent pas être réduits à une commune mesure. Les différences géographiques et les diversités de la constitution sociale seront-elles jamais nivelées ?Il le faudrait pour que le plan de M. Walras fût réalisable ; car il devrait tenir compte des variations de la puissance d’acquisition de la monnaie eu égard aux services aussi bien qu’aux marchandises.

XVII. — Ici, nous touchons au fond même du problème. Est-il si désirable que les variations des prix, résultant des changements dans la production des métaux précieux ou dans les conditions générales de la production, soient neutralisées ?

M. A. Coste l’a dit judicieusement :

L’or et l’argent n’ont rendu de si grands services à l’humanité que parce que, sans législation d’aucune sorte, sans intervention d’aucune intelligence ni d’aucune autorité, en dépit même de la plus complète mésentente des gouvernements et de la plus grande sottise des populations, ils étaient néanmoins capables, par une admirable propriété naturelle, de conserver le maximum d’utilité générale et le maximum de fixité dans la valeur.

Les gouvernements du seizième siècle se sont trouvés aux prises avec une révolution monétaire bien plus grave que la nôtre (§ 1). Depuis François Ier jusqu’à Louis XIII, ils ont précisément voulu, selon le système de M. Walras, maintenir fixe la détermination de la richesse sociale. Ils ont émis leur billon régulateur en augmentant constamment la quantité de pièces de monnaie taillées dans le marc d’or ou d’argent de façon à neutraliser la hausse des prix[1].On sait comment

  1. Voy., dans le Correspondant du 10 juin 1870, la Question monétaire avant 1789, par Pierre Clément.