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Unis, il a frappé de l’or de 1870 à 1875 quand la République américaine en était à l’étalon d’or ; mais depuis 1877, époque où elle a favorisé le monnayage de l’argent, la frappe de l’or a été insignifiante et il s’est mis à monnayer l’argent en quantité considérable. De 1877 à 1890, la frappe nette de l’argent est montée à près de 70 millions de yens[1].

Mais c’est en Chine que le métal blanc a un grand avenir. Jusqu’à présent le commerce intérieur de ces 400 millions d’hommes s’est fait avec des lingots d’argent, émis et marqués par des banquiers privés, et avec des sapèques de cuivre ou de zinc, qui sont une monnaie à valeur conventionnelle. Les mandarins fixent dans chaque province le change entre ces sapèques et l’argent, et retirent de grands profits de l’exercice de cette fonction. En fait, les affaires marchent, grâce à un système de banques fort développé. En 1877, les représentants des puissances étrangères essayèrent de persuader au gouvernement chinois d’adopter un système monétaire régulier et de frapper l’argent. Le Tsung-ly-Yamen refusa, pour ne pas tarir la source des profits des mandarins, dit avec une mauvaise humeur visible le secrétaire de la légation américaine[2] à qui nous empruntons ces indications, mais sans doute pour ne pas troubler les habitudes du peuple. Or, le conservatisme absolu a fait son temps, même en Chine. L’empire du Milieu a fait construire des cuirassés en Allemagne : il a commencé son réseau de chemins de fer et il a déjà contracté un emprunt à Berlin. Le voilà lié économiquement à l’Europe et dans la nécessité d’avoir un système monétaire pouvant communiquer avec le sien. Un des hommes les plus éclairés du pays, Li Hang Chung, vice-roi de Canton, a essayé récemment d’inaugurer ce monnayage en faisant frapper une piastre au dragon impérial, qui était censée avoir le titre français de 900 millièmes de fin, et le même poids (27 grammes 073) que la piastre mexicaine, dont la circulation dans les ports de l’Extrême-Orient est universelle. La nouvelle monnaie fut d’abord bien acceptée ; malheureusement on découvrit que le vice-roi avait trompé sur le titre et qu’elle n’avait en réalité que 885 millièmes de fin. Cette fraude a discrédité la nouvelle monnaie[3]. Mais ce n’est qu’un retard momentané dans le monnayage de l’argent par la Chine. Elle y arrivera forcément.

  1. V. Bulletin du ministère des Finances, 1891, t. II, p. 104 : le Yen vaut 5fr. 39.
  2. Voy. le Report of the secretary of the Treasury of United States for 1886, t.I, p. 388. Les Américains sont vraisemblablement destinés à exploiter économiquement la Chine. V. un curieux article du North China Herald reproduit dans the Economist du 24 septembre 1887.
  3. V. El Economista Mexicano du 12 décembre 1891. V. sur une autre tentative de monnayage de l’argent pour la Chine par une maison de Birmingham, the Economist.,