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la valeur, et c’est pour cela que Jean XXII frappa d’excommunication les villes ou les princes qui l’altéreraient. Les gouvernements ont sans doute souvent essayé d’établir un rapport légal de valeur entre les deux métaux et cherché à tirer un profit de cette fixation ; mais, en réalité, c’est toujours l’argent qu’ils ont comparé à l’or et non pas l’or à l’argent. Les opérations monétaires auxquelles ils se livraient ont presque toujours porté sur l’argent et non sur l’or, dont instinctivement ils respectaient le titre. L’argent servait seulement de monnaie nationale, comme l’argent noir ou billon servait aux petites transactions locales. En 1526, Copernic, dans la Ratio cudendæ monetœ, dit expressément que le double ducat d’or de Hongrie est resté en Europe le véritable étalon de la valeur.

Aujourd’hui, dans les transactions journalières, nous ne voulons plus que de l’or, et l’on prétendrait l’éliminer pour donner son rôle à l’argent ?Les États qui ont le double étalon, comme la Russie, l’Autriche, les États-Unis, exigent que les droits de douane et leurs emprunts extérieurs soient payés en or. Ils sont ainsi les premiers à proclamer et à aggraver la déchéance du métal blanc.

L’argent a fait son temps pour l’Europe, pour les États-Unis, pour l’Australie et tous les pays à civilisation développée, comme l'outem de cuivre des Assyriens et l’œs grave des Romains. Quand les prix se sont élevés et qu’une plus forte quantité de métal précieux est devenue l’équivalent des marchandises, le public a préféré l’or qui emmagasine la valeur sous un moindre volume. Tel est le fait très vulgaire, mais décisif, contre lequel tous les raisonnements viendront échouer. Le monométallisme or est le seul système monétaire possible pour les peuples civilisés. Ce qui le prouve, c’est que, comme on l’a vu plus haut, depuis 1850, la production de l’or a été pendant vingt ans trois ou quatre fois supérieure en valeur à celle de l’argent ; même actuellement, elle l’égale encore. En vertu de la loi économique qui fixe le rapport de valeur d’après la plus ou moins grande abondance, l’or aurait dû perdre une partie de la valeur qu’il avait gagnée comparativement à l’argent. Il aurait dû revenir au rapport de 1 à 12 ou de 1 à 10, qu’il avait au moyen âge. Loin de là, c’est à grand’peine si, par suite des demandes multipliées d’argent par l’Inde après la grande rébellion, ce rapport a baissé pendant quelques années de 15 1/2 à 15 ; mais bientôt il s’est relevé, et dès 1867 il a atteint 16, puis 17, et est enfin arrivé à 22. Là où on a voulu le remonétiser, comme aux États-Unis, il ne circule pas réellement. Non seulement le public ne veut plus charger ses poches de gros sacs d’écus, mais, dans les transactions commerciales, l’or est de plus en plus prédominant. L’encaisse de la Banque de France se compose d’or et d’argent. Or les mouvements résultant de la situation monétaire internationale