Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/607

Cette page n’a pas encore été corrigée

il y a plus d’un procédé pratique pour un pays de s’avantager dans son exécution. L’Italie ne viole-t-elle pas l’esprit de la convention de 1885, en exigeant que l’encaisse de ses banques d’émission soit composée pour deux tiers d’or et un tiers d’argent seulement ? La Suisse, qui n’a frappé presque point d’argent, compte, à la liquidation de l’Union monétaire, se faire rembourser en or les pièces de cent sous belges, françaises et italiennes qu’elle détient et réaliser de ce chef un honnête bénéfice. Les Américains inventeraient bien quelque procédé semblable.

XI. — Quels seraient les résultats sur les rapports sociaux de ce retour au bimétallisme, qui, en réalité, nous ramènerait à la monnaie d’argent circulant exclusivement sous forme d’écus ou de certificats de dépôt ?

D’abord nous assisterions à une augmentation indéfinie de la production du métal blanc. Le tableau que nous avons publié plus haut a déjà montré que sa production annuelle a doublé depuis vingt ans malgré la dépréciation qui l’atteint. Il est répandu en effet dans la nature en quantités considérables. S’il n’y a pas assez d’or, il est certain qu’il y a trop d’argent.

Les rapports officiels, dit le professeur Lexis des États-Unis, montrent que la richesse en argent des états et territoires du Pacifique est inépuisable, et que le développement de cette richesse dépend uniquement de l’extension des chemins de fer, des progrès de la science et du concours du capital et du travail. La baisse du prix de l’argent a principalement pour effet de laisser à l’état brut une grande quantité de minerais pauvres qu’on ne fait qu’amasser dans l’espoir de la découverte de procédés de traitement plus économiques ou de la réhabilitation de l’argent. On découvre tous les jours de nouveaux filons, qui sont encore une source de bénéfices même au prix actuel de l’argent, et qui font plus que combler les lacunes produites à d’autres places.

Des minerais d’argent, dont le traitement coûtait, il y a peu d’années, 21 dollars par tonne dans le Colorado, sont maintenant traités pour six dollars par tonne. Ces découvertes techniques et ces méthodes plus avantageuses sont applicables aux minerais du Canada, du Mexique et des autres pays aussi bien qu’à ceux des États-Unis. Actuellement, la mine d’argent la plus productive du monde est la Broken Hill Proprietary en Australie. Le Mexique commence à peine à montrer ce dont il est capable comme pays producteur d’argent avec les machines modernes, les moyens de transport modernes et la chimie moderne[1].

Devant ce débordement du métal blanc, il est difficile de croire que même tous les États coalisés par une union monétaire internationale pussent maintenir le rapport qu’ils auraient fixé. Aucune puissance ne pourrait empêcher l’or d’être recherché spécialement pour les voyages, pour les réserves monétaires et de faire prime, jusqu’à

  1. V. the Nation du 18 février 1892.