Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/604

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour faire monnayer chaque mois une somme de 2 millions de dollars au moins et de 4 millions au plus en dollars d’argent dans le rapport de 1 à 16 avec l’or, qui est le rapport légal établi entre les deux métaux aux États-Unis[1].

Comme les secrétaires du Trésor n’ont jamais monnayé que le minimum qui leur était imposé par cette loi, un nouvel acte du 14 juillet 1890 les a obligés à acheter chaque mois jusqu’à concurrence de 4 millions 1/2 d’onces d’argent au prix du marché et à émettre pour solder ces achats des billets d’État qui circuleront comme monnaie légale, mais seront remboursables au Trésor en monnaie métallique d’or ou d’argent à la discrétion du secrétaire du Trésor. En effet les dollars d’argent frappés de 1878 à 1890 ne sont entrés dans la circulation que pour une somme insignifiante. Au 1er janvier 1892 il y avait dans les caisses du Trésor 400 millions de silver standard dollars, dont 350 millions représentés par des silver certifcates ou des United States notes. La circulation effective de l’argent était à peine de 50 millions de dollars. Le public n’en veut pas[2].

L’effet de la loi du 14 juillet 1890 a été de multiplier les United States notes émises en représentation des acquisitions d’argent qu’elle ordonne. Au 31 juin 1891, il y en avait pour 50 millions de dollars de plus en circulation qu’au 31 juin de l’année précédente et les achats obligatoires faits par le Trésor doivent l’augmenter automatiquement de pareille somme chaque année. Cette inflation de la circulation indépendante des besoins du commerce peut entraîner des dangers et amener notamment une émigration de l’or. Elle commence déjà à se produire[3]. En vue d’éviter ce résultat, le secrétaire du Trésor cherche par tous les moyens à fortifier les réserves d’or du Trésor ; le président Harrisson s’est engagé solennellement à frapper de son veto tout acte du Congrès autorisant le libre monnayage de l’argent ; le parti républicain a fait de cette sage politique pour les prochaines élections un article de sa platform ; car tous les hommes éclairés comprennent les dangers de l’aventure dans laquelle leur pays serait jeté, s’il se mettait seul à frapper l’argent en quantité illimitée.

  1. Voilà pourquoi, tandis que le pair du dollar d’or des États-Unis avec la monnaie française est de 5 fr. 1813, le pair du dollar d’argent est de 5 fr. 35. Du reste les États-Unis proposent de ramener le rapport de leurs deux monnaies de 1 à 15 1/2, si l’Europe voulait bien monnayer leur argent. V. le bill proposé au Congrès en 1892 par M. Bland, the Nation, 28 janvier 1892. Ce bill. a été rejeté d’ailleurs.
  2. Les partisans du bimétallisme reconnaissent tous que la monnaie d’argent est devenue trop encombrante eu égard aux habitudes modernes et au niveau des prix pour pouvoir circuler. Elle devrait d’après eux être représentée par des billets d’Etat émis pour une valeur égale aux sommes déposées dans les caisses publiques. V. de Laveleye, la Monnaie et le bimétallisme international, chap. lvii. Cela faciliterait beaucoup pour les gouvernements embarrassés le passage au papier-monnaie.
  3. V. the Economist du 13 février, 2 et 9 avril 1892.