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M. Mulhall a établi qu’en 1862 les métaux précieux transportés par mer pour les besoins du commerce représentaient 12 pour 100 de la valeur des marchandises échangées, et qu’en 1884 ils n’en représentaient plus que 5 pour 100.

La baisse constante, depuis 1871, du taux de l’escompte ainsi que de l’intérêt des capitaux empruntés par les gouvernements et par les grandes sociétés est encore une preuve décisive qu’il n’y a pas de disette de monnaie. La raréfaction de l’instrument d’échange s’est toujours fait sentir par la hausse du taux de l’intérêt et l’augmentation de la monnaie en a toujours amené la baisse, quand d’ailleurs les conditions du commerce ne changeaient pas.

IX. — On comprend qu’aux États-Unis un parti considérable se soit formé pour entraîner l’Europe dans la voie d’un retour au monnayage de l’argent. En 1873, le Congrès avait eu la sagesse d’adopter l’étalon d’or comme base du système monétaire[1] ; mais précisément à partir de cette époque les mines du Nevada, du Colorado, du New-Mexico commencèrent à produire des quantités d’argent qui arrivèrent à en doubler la production annuelle, en sorte que plus de la moitié de l’énorme stock d’argent qui est jeté chaque année sur le marché provient des États-Unis. Le métal blanc ayant dès lors commencé à baisser, les propriétaires de ces mines firent une propagande active pour obtenir la reprise du libre monnayage de l’argent, le retour au bimétallisme. Ils ne purent y parvenir ; car l’opinion est assez éclairée, au moins à New-York, à Boston, à Philadelphie et dans tout l’Est généralement, pour savoir que deux monnaies, dont l’une est dépréciée en fait, ne peuvent pas circuler concurremment au pair dans un pays. Par un phénomène qui a été constaté depuis le commencement du monde et qui est connu sous le nom de loi de Gresham, du nom d’un financier anglais du xvie siècle qui l’a formulée, la monnaie la moins bonne chasse toujours la meilleure. Celle-ci est absorbée par la thésaurisation ou bien va à l’étranger. Voilà pourquoi les bimétallistes américains intelligents, et même ceux de leurs adversaires qui ne veulent pas combattre de front leurs prétentions, entendent subordonner la reprise du libre monnayage de l’argent dans leur pays à un retour universel au bimétallisme établi par un traité solennel entre tous les États civilisés.

En attendant, pour donner une satisfaction partielle aux intérêts des grands propriétaires de mines, le Congrès vota, en 1878, un acte appelé du nom de son promoteur le Bland bill, aux termes duquel le Trésor fut obligé d’acheter sur le marché une quantité d’argent suffisante

  1. V., sur l’histoire des systèmes monétaires suivis successivement aux Etats-Unis, la République américaine, par A. Carlier (Guillaumin, 1890), t. II, pp. 285 et suiv.