Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/599

Cette page n’a pas encore été corrigée

contre laquelle ils auraient de la peine à revenir. Il y a eu un temps d’arrêt cependant dans la hausse des salaires, et même ils ont un peu fléchi dans certains départements agricoles. Il en a été pareillement dans quelques industries. Toutefois, la diminution notable des salaires, qui a eu lieu dans les houillères belges pendant les années 1885-1887, est un fait presque isolé sur le continent européen. En Angleterre et aux États-Unis, là où le système des échelles mobiles de salaires variant d’après le prix de vente des produits est généralisé, les ouvriers ont été naturellement plus affectés par la baisse.

Les gages des domestiques attachés à la personne et la rémunération des professions libérales sont restés les mêmes pendant cette période. Les traitements des fonctionnaires publics ont augmenté, surtout en France. Quant aux loyers, sauf à Paris, ils sont demeurés stationnaires, mais plutôt avec une tendance à la hausse.

VI.— Si l’on avait dû s’arrêter uniquement à cette période et évaluer d’après ces constatations le changement dans la puissance d’acquisition de la monnaie, on aurait pu dire qu’elle avait augmenté de 10 ou 12 p. 100[1]. Mais c’eût été une erreur ; car dès l’année 1887 un mouvement universel de reprise des affaires s’est manifesté. Presque toutes les marchandises ont haussé sensiblement, sans toutefois reprendre le niveau de la période précédente[2]. Sur un grand nombre d’objets, les textiles et les métaux entre autres, la baisse des prix due à des progrès techniques est en effet définitivement acquise, mais les salaires, les frets, les loyers ont repris leur mouvement ascensionnel, en sorte qu’il n’est pas possible de parler sérieusement d’une appréciation, d’un renchérissement de l’or.

La monnaie n’a en définitive pas plus de puissance d’acquisition qu’en 1877 :seulement elle achète un peu moins de services et un peu plus de marchandises ; encore faut-il tenir compte de ce que la baisse des marchandises se manifeste presque exclusivement sur les prix du gros et atteint surtout les producteurs. Le commerce de détail maintient les anciens prix partout où il ne rencontre pas la concurrence des sociétés de consommation. Le coût de la vie est resté somme toute le même depuis quinze ans, au moins pour les bourgeois.

VII.— Les écrivains, qui persistent à soutenir la thèse d’un renchérissement de l’or, insistent sur ce fait que, depuis 1871, la production

  1. V. notre article dans le Correspondant du 10 juin 1887.
  2. Pour la France, par exemple, la comparaison des écarts proportionnels entre les évaluations provisoires et les évaluations définitives de la commission des valeurs des douanes indique une augmentation de 5 p.100 sur les importations et de 4,5 p. 100 sur les exportations pendant les trois années 1888, 1889, 1890. Entre 1880 et 1887, la baisse avait été de 24,2 p. 100 sur les importations et de 16,6 p. 100 sur les exportations. V. le Bulletin du Ministère des Finances, 1891, t. II, p. 229.