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les qualités inférieures en profitent beaucoup plus que les qualités supérieures. L’observation avait déjà été faite au seizième siècle[1], et elle s’est de nouveau vérifiée de notre temps.

Tout autre est la question de savoir dans quelle mesure la condition réelle des diverses catégories d’ouvriers s’est améliorée, étant donnés l’élévation des prix des objets de consommation et surtout le développement de leurs besoins. Quelque opinion que l’on se fasse sur ce délicat problème de statique sociale, la hausse des salaires n’en existe pas moins. Celle des gages des domestiques et de la rémunération des professions libérales a été plus considérable ; elle est au moins du double. Pour les loyers, la hausse a été surtout influencée par le développement des grandes villes. En Angleterre, d’après M. Giffen, ils se sont élevés, de 1835 à 1880, de 130 pour 100. Il faut, il est vrai, tenir compte de l’amélioration notable des logements. A Paris, d’après M. Leroy-Beaulieu, le loyer moyen par habitant s’élevait en 1880 de 180 à 190 francs, au lieu de 110 francs en 1829. Quant aux frais de transport, ils sont dans cette période restés à peu près stationnaires ou ont légèrement baissé sur les chemins de fer. Pour les frets maritimes, la baisse, qui s’est depuis accentuée si fort, commençait déjà. Le progrès de la technique neutralisait sur ce point l’effet contraire produit par la dépréciation de la monnaie.

En tenant compte de tous ces éléments et de leur importance relative, on peut évaluer approximativement de 50 à 60 pour 100 la baisse de la puissance d’acquisition des métaux précieux dans la période qui va de 1847 à 1877. En d’autres termes, il a fallu 15 ou 16.000 francs pour acheter l’ensemble de produits et de services que l’on pouvait se procurer trente ans plus tôt avec 10.000 francs.

V. — A partir de 1877, les prix des principaux produits de l’agriculture, des matières premières de l’industrie et des articles manufacturés ont sensiblement baissé. Pour le blé, le fer, la laine, la soie, le cuivre, la baisse a varié de 30 à 50 pour 100 et a ramené les prix presqu’au niveau de 1850. Les frets maritimes ont baissé de moitié ainsi que les frais de navigation sur les canaux. Quoique dans de moindres proportions, les tarifs de chemins de fer ont été également réduits depuis 1877 en France, en Belgique, en Allemagne, aux États-Unis.

Quant aux salaires, ils se sont généralement maintenus, parce qu’à ce point de l’échelle économique une réduction dans les moyens d’existence entraîne de vives souffrances, et que les ouvriers préfèrent des chômages prolongés à une diminution du taux des salaires,

  1. V. Thorold Rogers, History of agriculture and prices (London, 1884), t. IV, p. 109.