Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/596

Cette page n’a pas encore été corrigée

soit d’une altération dans la puissance d’acquisition de la monnaie. Alors, ce n’est plus un flux et un reflux dont les ondes se compensent, c’est comme si le niveau général des océans avait haussé ou baissé.

Les prix baissent, soit quand la monnaie se raréfie, comme les écrivains que nous citions tout à l’heure le prétendent aujourd’hui, soit quand les marchandises sont produites à un coût moindre par suite de progrès techniques dans leur fabrication ou qu’elles arrivent au consommateur grevées de moins de frais de transport. Les prix hausseraient, si les conditions de la production devenaient plus chères. Cela semble impossible dans notre temps ; mais cela a eu lieu aux époques de grandes calamités, dans la décadence de l’empire romain et après la guerre de Cent ans. Les prix haussent aussi, quand la quantité de monnaie mise en circulation augmente assez pour dépasser les besoins nouveaux de moyens d’échange qu’amène le développement normal des affaires et que facilite cet accroissement même de monnaie

IV. — L’action de ces deux causes est constamment entremêlée ; elles se neutralisent parfois l’une l’autre. Mais il est des temps où l’une d’elles est nettement prédominante. C’est ce qui s’est produit pendant la période qui s’étend des premiers arrivages de l’or de Californie et d’Australie en Europe, vers 1851, jusqu’en 1877, au moment où la marée économique, qui succédait à la guerre de 1870-1871, battait son plein. L’abondance de l’or a amené alors une hausse considérable des prix.

Des statistiques très précises sur cent marchandises cotées à Hambourg font ressortir à 31,4 pour 100 la hausse générale des prix dans la période de 1847 à 1880, malgré la baisse d’un certain nombre d’articles, notamment de tous les textiles, par suite des inventions mécaniques, qui, pendant cette période, ont fait faire de si grands progrès à ces industries[1]. En Angleterre, un calcul de ce genre fait par M. Palgrave sur vingt et une marchandises montre une hausse des prix de 38 pour 100 réalisée en 1878 comparativement à 1847-1853.

Mais ces relevés sont faits sur de grands marchés, où les prix étaient déjà assez élevés. La révolution économique causée par l’augmentation de l’or après 1850 a été surtout sensible dans les pays qui étaient restés en dehors des courants commerciaux. En y pénétrant, le métal nouveau a créé un mouvement d’échanges qui était impossible auparavant ; il a atténué considérablement l’écart qui existait entre les prix des petites localités et ceux des grands marchés. Ainsi,

  1. V. un travail de M. Soetbeer dans les Iahrbücher fur national Œkonomik und Statistik de Conrad (Iena), 1881.