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Deux écueils sont à éviter. Le premier est l’exploitation des sentiments religieux. La religion est une chose trop relevée pour qu’il soit permis de la solidariser avec des intérêts pécuniers[1]. Ceux qui n’ont pas ce sentiment ne sont pas dignes de la confiance publique et c’est sans doute à cause de cela que toutes les affaires de banque ou de commerce, qui se sont présentées comme catholiques et ont usé de ce titre pour attirer des capitaux, ont fini honteusement.

D’autre part, en observant sur ce premier point une sage réserve, il ne faut pas, sous prétexte que des concurrents emploient des moyens déshonnêtes ou aventureux, se les permettre soi-même. Il est des procédés qui ne peuvent pas réussir aux honnêtes gens, et, le jour où ils tenteront de nouveau l’expérience des grandes affaires, il faut bien qu’ils se disent qu’ils sont entourés d’ennemis prêts à leur tendre tous les pièges et à profiter de toutes leurs fautes. Méconnaître ce côté de la situation, c’est marcher à la ruine.

L’idée première de l’Union générale était juste. La faute énorme de ses directeurs a été de la compromettre par leurs folies et de rendre impossible toute nouvelle tentative en ce sens avant cinquante ans dans notre pays. Law avait également des vues neuves et ingénieuses. La catastrophe à laquelle il a abouti eut pour résultat d’empêcher pour un demi-siècle l’émission des billets de banque et de constituer ainsi à la France une grande infériorité vis-à-vis de l’Angleterre. Mais (et cet exemple le prouve) les idées justes survivent aux fautes des hommes et il faut le dire bien haut : il y a dans nos vieilles sociétés assez de liberté et de justice, les fortunes sont assez disséminées et l’opinion publique assez forte pour qu’aucune coalition maçonnique ou juive ne puisse opposer un obstacle absolu à des honnêtes gens qui feraient correctement des affaires sérieuses.

  1. Aux États-Unis, les besoins d’une société en voie de formation avaient amené certains évêques et curés à constituer des banques ; mais le 3e Concile National de Baltimore, en 1884, l’a interdit formellement, v. canon 274.