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Les privilèges sont toujours dangereux et les économistes les plus autorisés ont fait remarquer que la liberté complète en matière de banque d’émission assurerait aux nations commerçantes une meilleure assiette monétaire sous la forme de réserves multiples et disséminées. Mais la situation n’est plus entière nulle part en Europe. Puis, il faut le reconnaître, de grandes institutions, indépendantes parce qu’elles sont des sociétés par actions, et cependant administrées en vue du bien public, comme le sont les banques nationales investies du privilège de l’émission des billets, présentent, en fait, des barrières sérieuses à l’action perturbatrice que la Haute Banque ou de puissants établissements financiers pourraient exercer sur le marché monétaire dans leur intérêt particulier. En France notamment, ceux qui cherchent à affaiblir la position de la Banque de France, sous prétexte de combattre les monopoles, font en réalité, — consciemment ou non, — les affaires de l’oligarchie financière.

Mais du côté des gouvernements qui ont fondé ces banques les dangers sont considérables. On ne s’appuie que sur ce qui résiste : cette vérité est trop souvent méconnue par les gouvernants qui veulent trouver dans la grande banque d’État un instrument docile pour leurs visées politiques ou leurs besoins d’argent.

La Reichsbank, qui est placée sous la main du ministre des Finances de l’Empire, a, en 1888, sur l’ordre de M. de Bismarck, refusé de faire des avances sur les fonds russes et provoqué une baisse momentanée de ces titres. Le crédit du gouvernement russe n’en a pas été ébranlé ; mais les capitalistes allemands ont fait de grosses pertes.

Le gouvernement espagnol a encore plus abusé de la Banque d’Espagne, d’abord en se faisant faire des prêts qui ont absorbé son capital, et nécessité des émissions de billets