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Toutes les taxes de consommation, sauf celles qui frappent le tabac et l’alcool, deux objets de luxe (chap. i, § 2), devraient être révisées à fond de manière à soulager les familles du peuple. Il faut en revenir à cette vieille maxime de la sagesse romaine que les prolétaires ont payé leur dette à la République quand ils ont élevé leurs enfants, c’est-à-dire maintenu cette armée du travail qui est la première source de la richesse publique. L’impôt progressif doit être absolument repoussé, parce qu’il implique une négation du droit de l’individu à devenir riche et reconnaît au législateur le pouvoir de fixer des bornes à la richesse. Mais l’impôt proportionnel n’est équitable qu’avec le tempérament de larges détaxes, les unes totales, les autres partielles, qui exemptent complètement le minimum de l’existence et dégrèvent les petits patrimoines. Là où existe l’impôt sur le revenu, ces dégrèvements sont généralement admis ; il faudrait, dans notre système fiscal, les étendre largement aux patentes, au nouvel impôt de quotité sur les propriétés bâties établi en 1891[1], surtout exempter de l’impôt les petites successions et les soustraire aux frais de justice qui les dévorent[2].

IX. — Dans le même ordre d’idées, la loi, qui ne doit pas être hostile aux riches, mais qui doit favoriser et soutenir les faibles, devrait établir des exemptions de saisie pour dettes en faveur du foyer domestique (homestead exemption laws), et des privilèges pour les diverses créances ouvrières, rendre possible la transmission intégrale des petits domaines ruraux, comme l’a fait la récente réforme des lois de succession en

  1. Les chambres ont eu le tort de rejeter un amendement de M. Léon Say, exemptant de l’impôt les bâtiments servant à l’habitation personnelle du propriétaire cultivateur, lorsque l’évaluation locative de ces bâtiments ne dépassait pas 50 francs. Ce nouvel impôt grèvera lourdement la population des campagnes à la longue.
  2. V. l’excellente brochure de M. Georges Michel, Une iniquité sociale, les frais de ventes judiciaires d’immeubles (Guillaumin, 1890).