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historiques. L’État n’a pas pour mission de refaire la société sur un type préconçu et de supprimer les inégalités qui se produisent par le jeu des forces naturelles. Mais il a le devoir de protéger les droits de chacun et particulièrement de ceux à qui leur faiblesse ne permet pas de se défendre par eux-mêmes.

Or, dans nos sociétés modernes, qui demandent à l’impôt des sommes exorbitantes, beaucoup de taxes frappent plus gravement les petits et les moyens que les forts. La diffusion des revenus que nous avons signalée au début de cet ouvrage pousse partout les ministres des Finances à chercher des assises très larges à leurs taxes. Les intérêts égoïstes de classes s’en mêlant, les politiciens persuadent parfois aux masses électorales que le renchérissement des moyens d’existence sera pour elles une occasion de travail rémunérateur, alors qu’en réalité les entrepreneurs et les capitalistes en profitent surtout.

Les solutions démocratiques de la question des impôts, suivant une expression de M. Léon Say, sont encore à réaliser en France. Par un contraste frappant, c’est l’Angleterre monarchique qui a le mieux approché jusqu’ici de ces solutions. Le ministère conservateur de lord Salisbury a continué la grande œuvre de M. Gladstone, qui avait dégrevé le sucre. Depuis son avènement au pouvoir, les impôts qui frappaient les consommations populaires ont été largement diminués, tandis que ceux chargeant les classes riches et moyennes ont été augmentés. En 1890, M. Goschen a abaissé de 6 pences à 4 par livre le droit de douane sur les thés, de 7 shellings à 2 le droit sur les raisins secs, deux objets de consommation populaire. L’impôt sur les habitations d’un loyer inférieur à 60 livres sterling a été fortement réduit. En réalité, aujourd’hui, les ouvriers anglais qui ne fument pas et ne consomment pas de boissons alcooliques échappent en grande partie à l’impôt.

Au contraire, notre tarif douanier, tel qu’il vient d’être établi par la loi du 11 janvier 1892, semble avoir pris le contrepied