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moyen de distinguer la presse bonne et la presse mauvaise, » a dit spirituellement M. Emile Olivier.

Il faut se borner à apporter au régime des sociétés par actions les réformes pratiques que nous avons indiquées (chap. v, § 11), à formuler une incrimination correctionnelle capable d’atteindre les agences véreuses qui fraudent la petite épargne (chap. ix, § 16), enfin à modifier les dispositions du Code pénal relatives aux accaparements, de manière à ne pas empêcher les associations de producteurs pour la protection de leurs intérêts, et à frapper seulement les actes offensifs contre la liberté de l’industrie et du commerce d’autrui ; car toute loi qui frappe indistinctement des actes coupables et des actes honnêtes au point de vue moral, reste forcément lettre morte (chap. viii, §§ 5, 6)[1].

VIII. — C’est surtout à renforcer les contrepoids sociaux que le législateur devrait s’appliquer.

L’impôt ne doit pas être un moyen de changer la répartition de la propriété et de corriger les prétendues injustices

  1. Pendant que nous revoyons les dernières épreuves de cet ouvrage, le Congrès des États-Unis est saisi de deux projets de bills inspirés par la Farmer’s alliance qui prétendent supprimer au moyen de pénalités énormes : 1° toutes les opérations à terme sur les denrées agricoles (on futures), excepté si le vendeur justifie de la possession des objets vendus au moment du contrat, ou s’il s’agit de livraisons successives à faire à des établissements publics, grands consommateurs ; 2° spécialement tous les marchés à primes simples ou doubles (puts and calls, privileges, options). Les farmers s’imaginent que les ventes à découvert sont la cause des bas prix actuels des produits du sol. Les protestations les plus vives ont accueilli ces bills et les boards of trade ont été unanimes pour démontrer que les opérations à terme étaient indispensables au commerce et que, si par impossible elles venaient à n’être plus pratiquées, les cours des produits agricoles tomberaient encore plus bas. Mais quant aux marchés à prime, ils ont déclaré se désintéresser des mesures législatives qu’on pourrait prendre contre eux. Les boards of trade en effet n’admettent pas ce genre d’opération dans les contrats passés sous leurs règles et dans leur local. Elles se produisent seulement au dehors ou dans les bucket-shops. Ils estiment que, sauf quelques cas où ce genre d’opérations peut être employé utilement comme assurance pour des opérations fermes, la plupart du temps elles ne sont qu’une forme du jeu et que le commerce sérieux pourrait parfaitement s’en passer, quoique, d’ailleurs, elles soient sans grande influence sur la cote. Il serait donc possible que, d’après ces déclarations, le Congrès votât un acte interdisant les marchés à prime sous des pénalités plus ou moins grandes. Mais, au bout de peu de temps, il ne serait sans doute pas plus appliqué que celui qui existe dans les statuts de l’Illinois. Le chief police de Chicago, interrogé sur ce qu’il faisait contre les joueurs, a répondu qu’il ignorait l’existence de ce statut. Cependant il s’est décidé à poursuivre quelques bucket-shops, ce à quoi l’opinion publique a applaudi. Il n’y a rien autre à faire.