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des choses et contre laquelle s’indignaient les ministres de la Restauration, tout en la subissant dans les premières années, vient s’ajouter la corruption chez les gouvernants ? Nous en avons relevé des exemples dans le passé : des écrivains se sont donné la tâche de signaler en France d’étranges rapprochements entre le monde des affaires et celui de la politique. Le succès de leurs œuvres est une preuve que ce grand jury qu’on nomme le public estime qu’ils sont dans le vrai.

La constitution de la souveraineté dans chaque pays sur des bases légitimes et la stabilité gouvernementale sont donc la condition première de la moralisation des affaires, de la réduction au moindre mal des abus de la Bourse.

VII. — Voilà le principe qui domine tout. Mais quand on en arrive à déterminer l’action gouvernementale pratiquement possible pour réprimer un mal, dont la gravité est évidente, il faut se garder d’écouter les utopistes qui ne rêvent rien moins que la suppression de la Bourse ou qui voudraient la régler comme un petit marché de denrées agricoles. Il ne faut, en effet, pas perdre de vue que les gouvernements ont de temps à autre besoin de recourir au crédit, ne fût-ce que pour les travaux d’utilité publique qui s’imposent ; dans la situation actuelle du monde, aucune nation ne peut se flatter d’échapper toujours à cette nécessité. Chaque État a donc intérêt à avoir chez lui un marché financier autonome. Il y a, en effet, une grande différence pour une nation à emprunter à ses propres citoyens ou à contracter un emprunt à l’étranger. Dans ce dernier cas, la dépendance de la Finance ne pèse pas seulement sur la politique intérieure, elle porte atteinte à la liberté d’action extérieure et elle devient une cause permanente d’épuisement économique pour le pays réduit à cette extrémité. L’Italie contemporaine et la Hongrie en sont des exemples. Voilà pourquoi tous les gouvernements favorisent le développement dans leur capitale d’une grande bourse. L’Allemagne y a réussi après 1870 ; les États-Unis aspirent à rendre Wall-Street de plus en plus indépendant