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Les calamités publiques sont toujours l’origine d’enrichissements malhonnêtes. C’est au milieu des guerres si onéreuses de Louis XIII et de la fin du règne de Louis XIV que les Traitants de l’ancien régime élevaient leurs fortunes ; aux États-Unis, c’est au temps de la Sécession que pour la première fois la Ploutocratie a commencé à apparaître, non pas seulement par le fait des grands emprunts et des spéculations sur la valeur relative du papier-monnaie et du numéraire, mais aussi par le désordre administratif, par les coupables connivences des fonctionnaires avec les fournisseurs, enfin par la corruption des corps législatifs, qui ont livré aux fondateurs des compagnies de chemins de fer une si grande part du domaine public[1].

En France, les hommes au pouvoir, même en les supposant aussi corrects qu’on peut le désirer, sont toujours sous la coupe des hauts barons de la Finance, parce qu’ils ont de gros emprunts à émettre et veulent préparer les cours à l’avance. Il est frappant de voir qu’en Allemagne, malgré les réformes sociales du prince de Bismarck et le socialisme chrétien de l’empereur Guillaume II, M. de Bleichrœder et la Haute Banque Israélite sont aussi puissants que leurs coreligionnaires à Paris. Guillaume II a choisi pour principal ministre M. Miquel de Francfort, un des principaux politische grunder de l’époque, et c’est son influence qui a été prépondérante dans la crise soulevée en mars 1892 par la présentation d’une loi scolaire vraiment libérale. La raison en est que le gouvernement allemand s’est lancé à son tour dans la voie des emprunts périodiques et qu’il demande lui aussi des services à la Haute Banque[2].

Qu’en est-il quand, à cette dépendance résultant de la force

  1. V. dans la République Américaine, par A. Carlier, t. I, l’histoire de la constitution des chemins de fer transcontinentaux et de la dilapidation du domaine public qui s’est produite à cette occasion.
  2. La fortune personnelle de la maison de Hanovre, ce qu’on appelé le fonds Guelfe dont le gouvernement prussien s’empara en 1866, a été, dit-on, confiée à M. de Bleichrœder pour le faire fructifier. Ces sommes, qui devraient s’élever actuellement à 16 millions de thalers paraissent avoir été employés en partie en besognes politiques par le prince de Bismarck jusqu’à leur récente restitution.