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C’est aux confessions chrétiennes à réaliser cette donnée et à appliquer aux conditions actuelles l’éternel enseignement de la justice et de la charité. Plusieurs chapitres nouveaux de morale pratique sont à écrire, non seulement pour guider la conscience dans les procédés modernes du commerce et de la spéculation, mais surtout pour lui tracer ses devoirs dans l’emploi des capitaux, dans le choix des dépenses, dans les rapports si différents de ceux du passé que la démocratie a créés entre les différentes classes[1].

V. — Nous retrouvons ici cette question juive que l’histoire financière du siècle a posée tout à l’heure devant nous. Un cri universel rend l’entrée des Israélites dans la société contemporaine responsable de tout le débordement de la fraude et de l’agiotage.

La question est singulièrement complexe, quand on veut aller de bonne foi au fond des choses.

D’une part, beaucoup d’agioteurs de la pire espèce, quoique chrétiens de nom, déclament contre les Juifs uniquement parce qu’ils leur font concurrence et ont l’avantage sur eux. Le triste héros de M. Zola, dans l’Argent, déplore le triomphe de la Juiverie et invective contre ces sales Juifs, uniquement parce qu’ils l’ont empêché de faire à son profit personnel ce qu’il leur reproche.

Jay Gould, qui a écumé, à plusieurs reprises, les marchés américains, comme les corsaires du dix-septième siècle le faisaient de l’Océan, n’est point un Israélite. Les spéculateurs insensés et les politiciens leurs complices, qui ont déchaîné

  1. Nous citerons comme une très heureuse tentative dans ce sens l’ouvrage de l’abbé Francqueville : Que faisons-nous de l’Evangile, ou devoir pour tout chrétien d’exercer sur la Société une influence chrétienne (Arras, Sueur-Charruey, 1889). Le Play a consacré sa vie à propager la notion des devoirs incombant à la richesse et il les a résumés sous le nom de patronage. Les deux sociétés fondées par lui, la Société d’économie sociale et les Unions de la paix sociale, se sont consacrées à en mettre en lumière toutes les applications par l’observation des meilleurs modèles. Il s’est formé aussi il y a quelques années à Paris une Société de propriétaires chrétiens dans le but d’étudier pratiquement les devoirs qu’entraîne la possession des diverses sortes de biens : domaines ruraux, maisons urbaines, valeurs mobilières. Pendant que nous revoyons les épreuves de cet ouvrage, nous recevons un volume de M. W. Cunningham, de Cambridge, the Use and abuse of Money (London, John Murray, 1891), qui est inspiré par les mêmes préoccupations.