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de leurs revenus les pousse aux placements aventureux et fait d’eux la proie des lanceurs d’affaires. On cherche dans le jeu et l’agiotage les profits que ne donnent plus l’industrie et les placements sûrs. Ces considérations sont vraies. Nous l’avons constaté en Italie, certaines institutions de prévoyance s’y développent d’autant mieux que le taux de l’intérêt est plus élevé[1]. Cela prouve que toute médaille a son envers ; mais ces constatations ne doivent pas faire perdre de vue les effets dominants de l’abaissement du taux de l’intérêt en faveur des grandes masses humaines ; elles montrent seulement la nécessité de perfectionner de plus en plus les institutions de prévoyance et de leur donner des bases rigoureusement scientifiques. Surtout elles montrent comment c’est un devoir pour chaque chef de famille de lutter par l’épargne, par des amortissements bien conçus et par la sagacité dans le choix de ses placements contre la diminution graduelle de toute fortune ancienne. La formation de capitaux nouveaux plus abondants est le seul moyen d’empêcher la loi de dépréciation des capitaux anciennement engagés d’avoir des conséquences malfaisantes.

IV. — Mais nous n’oublions pas que le présent ouvrage a eu surtout pour but de mettre en relief les perturbations causées dans l’ordre économique par les abus modernes de la spéculation.

Or le progrès que nous constatons dans l’ordre économique n’existe pas malheureusement dans l’ordre moral.

Assurément, même à l’époque où le Christianisme avait le plus d’empire sur les âmes, la fraude et l’usure se donnaient un plus libre cours que ne se l’imaginent les personnes qui n’ont pas étudié le passé scientifiquement. Mais il y avait dans la société des réserves inépuisables de vertu et d’honneur. Le nombre des hommes qui observaient, dans le commerce, une scrupuleuse probité, était considérable et ils tenaient le premier rang dans l’estime de leurs concitoyens. Les conversions d’usuriers étaient fréquentes et publiques :

  1. Les faits économiques et le mouvement social en Italie, pp. 28-29.