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pour la France. La richesse générale s’accroît constamment, le chiffre des successions et des avancements d’hoirie réunis, qui était, en 1875, de 5.320.700.000 francs, a été en 1890 de 6.748.400.000 fr. Mais les donations entre vifs, qui représentent les avancements d’hoierie faits à leurs enfants par les classes élevées et par la bourgeoisie ont diminué dans la même période. Au lieu de 1.067.100.000 fr. en 1875, elles n’ont plus porté en 1890 que sur 937.200.000 fr., et, comme la baisse est régulière, d’année en année, on est bien là en présence d’un phénomène constant. Il prouve que la fortune des classes riches diminue ou tout au moins que son augmentation apparente tient uniquement à la hausse du taux de capitalisation. N’ayant pas plus de revenus ou même en ayant moins, elles donnent moins de dots à leurs enfants. Les progrès de la richesse en France se font donc de plus en plus par les classes inférieures[1].

Néanmoins il faut remarquer ceci : tandis que la dépréciation des capitaux anciennement engagés atteint les industriels et les propriétaires ruraux et la baisse du taux de l’intérêt les rentiers et les capitalistes, les banquiers de profession et surtout la Haute Banque, qui trouvent leurs profits non pas dans les intérêts réguliers de placements, mais dans l’engagement momentané de leur capital et dans la réalisation d’une plus-value par un dégagement rapide, ont beaucoup plus de chances d’échapper à cette cause continue de ruine des fortunes anciennes.

Plusieurs économistes, depuis J. Stuart Mill jusqu’à M. P. Leroy-Beaulieu, se sont préoccupés de certaines des conséquences défavorables de la baisse du taux de l’intérêt[2]. Les institutions basées sur la capitalisation, les assurances, par exemple, peuvent en être gênées dans leur fonctionnement et les travailleurs d’élite s’élèveront moins rapidement par l’épargne. Le désir des capitalistes d’échapper à la diminution

  1. L’Economiste français, 23 janvier 1892.
  2. Principes d’économie politique, livre IV. chap. v. Essai sur la répartition des richesses, chap. ix.