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civilisées, ou au moins ne la trouve-t-on que sur les confins de la civilisation, là où elle est en retard ou bien là où elle commence. Les malheureux paysans de l’Italie du Sud et de la Vénétie, ceux des pays slaves qui sont mêlés aux juifs, les Arabes et les Kabyles de l’Algérie, les ryots de l’Inde, les farmers de l’extrême Far-West américain en souffrent encore ; mais en France, en Angleterre, en Belgique, dans les parties les plus avancées de l’Allemagne, dans la majeure partie des États-Unis et du Canada, elle n’existe plus, peut-on dire, et les lois, qui ont aboli le maximum du taux de l’intérêt, n’ont eu aucun inconvénient[1].

Mais la baisse du taux de l’intérêt a surtout le grand résultat de diminuer automatiquement et insensiblement le poids des dettes publiques. Si la plupart des gouvernements en profitent pour contracter de nouvelles dettes et gaspiller les ressources budgétaires, la faute en est, non à l’ordre économique, mais à la mauvaise politique.

Les conditions du travail se sont notablement améliorées. Il va de soi que, toutes choses égales d’ailleurs, là où l’industrie est à même de se procurer des capitaux à 4 p. 100, les salaires des ouvriers peuvent être plus élevés que là où ils lui coûtent 6 p. 100. Le vif mouvement, qui se dessine depuis vingt ans dans le monde entier pour l’amélioration de la condition des ouvriers, n’est possible que parce que l’intérêt a baissé. Mais la conséquence la plus heureuse de ce grand et bienfaisant phénomène, c’est que de nouveaux emplois au travail s’ouvrent sans cesse. Maintes œuvres agricoles, industrielles, commerciales, qui étaient impossibles quand l’intérêt était élevé parce qu’elles ne produisaient pas assez pour rémunérer à la fois le travail et le capital, deviennent praticables et sont effectivement entreprises le jour où

  1. Même dans ces pays, le fils de famille qui veut se procurer de l’argent pour satisfaire ses passions, le malheureux à demi ruiné qui cherche à maintenir pendant quelques mois sa situation sont exploités par des usuriers ; car il n’y a que des gens de cette sorte qui leur fassent crédit (chap. iii, § 3). Ce sont des faits délictueux assurément ; mais ils n’ont pas d’influence sur l’état économique général et peuvent être réprimés par une législation pénale judicieuse.