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anciennes[1]. Ce mouvement est d’autant plus remarquable que les capitaux, qui se forment dans les pays les plus avancés, se répandent sur une aire de plus en plus large, depuis l’Amérique du Sud jusqu’aux Indes. Ils y trouvent souvent des mécomptes et sont perdus pour leurs propriétaires ; mais, malgré maints gaspillages, ils n’en ont pas moins fécondé des terres et ouvert des mines. On ne voit pas d’autre limite à ce mouvement que l’arrêt de la capitalisation qui serait causé par l’absence d’avantage à épargner. Plus on approche de ce point, qui ne sera jamais atteint du reste, plus le mouvement est lent, et, pour abaisser l’intérêt de 4 à 3 p. 100, puis de 3 à 2 p. 100, il faudra vraisemblablement plus de temps qu’il n’en a fallu pour l’amener à ces chiffres quand il était à 5 et à 6. Mais, s’il ne survient pas en Europe de grandes guerres ou une explosion socialiste générale, l’intérêt normal des placements de premier ordre arrivera à être de 2 p. 100. M. Leroy-Beaulieu va jusqu’à prévoir le taux de 1 1/2. A ces taux-là il y aurait encore intérêt non seulement à épargner — (n’y eût-il point de rémunération, on devrait encore thésauriser par précaution), — mais même à engager ces épargnes comme capital.

Ce grand phénomène est dû à l’abondance des capitaux circulants, aux formes diverses sous lesquelles ils s’offrent à ceux qui les emploient (chap. iii, § 7), enfin dans une certaine mesure à la Bourse (chap. ix, § 1) ; elle a fait disparaître pour un grand nombre de capitaux l’indisponibilité, de même que la circulation fiduciaire a supprimé pratiquement la raréfaction locale de la monnaie qui était, à notre avis, une des grandes causes de l’usure au moyen âge.

L’usure a à peu près complètement disparu des nations

  1. Il faut compter en outre avec un autre facteur financier. Les remboursements faits par certains Etats d’une fraction de leur dette et par les grandes compagnies de leurs obligations deviennent chaque année plus considérables et augmentent la masse des capitaux en quête d’un emploi. Le Moniteur des intérêts matériels évaluait ces remboursements à 1.100 millions pour l’année 1891. Nos grandes compagnies de chemins de fer commencent à amortir chaque année plus d’obligations qu’elles n’en émettent.