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pour leurs prêts aux aux princes, le 10 ou le 8 p. 100 auquel les rentes perpétuelles exemptes de toute espèce de risque étaient constituées au xive siècle étaient à cette époque des taux d’intérêt normaux et légitimes (chap. iii, § 3). Ils baissaient lentement dans le cours du siècle suivant ; mais au xvie siècle l’augmentation des métaux précieux due à l’exploitation des mines américaines amena une diminution de l’intérêt que les princes traduisirent en convertissant en 5 ou 6 p. 100 les rentes anciennement constituées à des taux plus élevés. Après un temps d’arrêt causé par les guerres du xviie siècle, le mouvement reprend, et, au milieu du siècle dernier, le 4 p. 100 était, en Hollande et en Angleterre, le taux courant de rémunération des entreprises ; il descendait même au-dessous pour les fonds publics offrant toute sécurité (chap. xi, § 8). Les guerres et les destructions de l’époque révolutionnaire, les énormes emprunts que durent émettre les grands États, à la Restauration, puis la constitution du coûteux outillage des chemins de fer et des usines relevèrent le taux de l’intérêt. En faisant abstraction des moments de crise, comme de 1813 à 1817, le taux légal admis par la loi française, 5 p. 100 en matière civile, 6 p. 100 en matière commerciale, correspondait à la réalité des faits.

Depuis lors la baisse de l’intérêt a fait des progrès incessants. Les emplois en fonds publics de premier ordre ne rendent plus que 3 p. 100 et même moins en Angleterre. Les grandes entreprises trouvent des capitaux au 4 p. 100. Le taux d’escompte de la Banque de France est depuis plusieurs années immuable à 3 p. 100, et, si la Banque d’Angleterre l’élève par moments au-dessus de ce chiffre, elle l’abaisse souvent à 2 p. 100 et le marché libre descend plus bas encore. Tous les États, toutes les villes, dont les finances sont régulières, en profitent pour convertir leurs dettes et réduire ainsi la charge des contribuables. Le même phénomène se produit aux États-Unis, au Canada, en Australie. Partout ce sont des réductions du taux légal de l’intérêt et des conversions des dettes publiques