Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/553

Cette page n’a pas encore été corrigée

conditions économiques de l’Europe, le phénomène général de la multiplication des classes moyennes tend à s’accentuer (chap. i, § 11).

Les pays de la vieille Europe, en raison de l’ancienneté de leur civilisation, ont un état social bien mieux pondéré. En Allemagne, les grandes familles, soutenues par des majorats, en Angleterre, les grosses fortunes, que le commerce et la banque ont recueillies sur tous les points du monde et qui sont venues se concentrer à Londres, tranchent amèrement avec la condition des masses populaires ; mais les degrés intermédiaires sont nombreux et l’ascension sociale s’opère régulièrement du bas en haut.

Même en France, il y a assurément beaucoup à faire pour soutenir le mouvement ascendant des classes moyennes ; néanmoins le fait général du développement de ces classes, en proportion même de l’abondance et de l’ancienneté de la richesse, démontre péremptoirement que les tendances au progrès l’emportent sur les tendances à la rétrogradation dans un état économique fondé sur la liberté civile[1].

III. — La multiplication des capitaux a eu pour résultat d’abaisser considérablement le taux de l’intérêt. C’est là un phénomène qui se produit régulièrement depuis la fin du moyen âge à mesure que les sociétés deviennent plus riches. Sur ce point encore l’ordre économique naturel est progressif, toutes les fois que les folies des hommes ne viennent pas le troubler. Le 20 p. 100 que les Florentins, les banquiers des papes, exigeaient à titre d'interesse et de compensatio damni

  1. Il faut toutefois que l’excès des charges publiques ne vienne pas détruire la richesse au fur et à mesure qu’elle se forme. C’est ce qui se produit en Italie. Les pauvres y deviennent plus pauvres et un petit nombre de riches, qui peuvent échapper à l’abus de la taxation, s’élèvent par les spéculations toujours possibles dans des temps calamiteux, voire par l’usure. Il y a là un phénomène douloureux de rétrogradation, que l’analyse économique explique fort clairement (V. cependant chap. i, § 9, note).