Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/539

Cette page n’a pas encore été corrigée

plus puissantes. On peut donc prévoir encore sur ce terrain un nouveau pas dans la voie de la concentration des entreprises.

En attendant, les grandes sociétés financières existant actuellement en France sont le Comptoir national d’escompte, le Crédit industriel et commercial, la Société générale pour favoriser le développement du commerce et de l’industrie, le Crédit Lyonnais, qui prend une place de plus en plus importante. Enfin à cette liste il faut bien ajouter le Crédit foncier. Ces établissements, au lieu de se faire concurrence comme autrefois, marchent de concert et sentent la nécessité de se soutenir les uns les autres pour éviter un run du public sur leurs dépôts à vue.

Ces sociétés ont des comptoirs dans les divers quartiers de Paris, et des succursales plus ou moins nombreuses en province. Elles s’y implantent en pratiquant l’escompte commercial à un taux plus bas que les banquiers locaux à qui elles font une concurrence très vive. Ces opérations, qui dans l’ensemble ne leur laissent guère de bénéfices, sont comme les articles sacrifiés pour les grands magasins[1]. Elles ont pour but de leur créer une clientèle dans laquelle elles placent leurs émissions de valeurs. Les capitaux qu’elles drainent dans toute la province — (souvent l’intérêt alloué aux dépôts des succursales est plus élevé que l’intérêt fait à ceux de Paris) — sont centralisés dans la capitale, où ils sont en grande partie employés en spéculations à la Bourse, en sorte que la banque et le commerce de province deviennent de plus en plus exsangues. Les petits industriels ne trouvent plus le même appui qu’autrefois chez les banquiers particuliers dont cette concurrence a limité les profits. Il devient très difficile d’organiser en province une affaire industrielle ou commerciale, exigeant un million par exemple, avec les ressources locales :il faut recourir aux établissements de crédit. Naturellement, ils prélèvent de

  1. V. dans l’Economiste français du 15 février 1879 un article de R. Robert Bénédic sur la concurrence que les grandes sociétés de crédit font aux petites banques.