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La Haute Banque ou aristocratie financière se composait d’hommes appartenant presque tous aux religions protestante et israélite et à des nationalités étrangères, notamment à l’Allemagne et à la Suisse. Réunis entre eux par groupes détachés, ils ont les préjugés, la discipline et la force d’un corps d’État, lors même qu’ils n’ont aucune affaire en cours de participation. Leurs opérations consistent en vente et achat pour le compte de tiers de lettres de change, de valeurs mobilières, de matières d’or et d’argent sur les marchés étrangers, voire de marchandises : ils y réalisent des profits assurés grâce à leurs relations intimes, à leur correspondance suivie entre eux et aux moyens que cette liaison leur permet d’effectuer des arbitrages de changes, de marchandises, de métaux sur les diverses places du monde. A ces opérations courantes et quotidiennes, mais en somme d’un résultat très modique, s’ajoutent l’organisation des sociétés industrielles, les soumissions ou souscriptions et emprunts d’états ou de villes, les avances temporaires à des compagnies ou à des particuliers, les ouvertures de crédit à l’étranger pour achats de matières premières, ou en France pour des entreprises de travaux publics, des syndicats d’intérêts similaires en vue d’exercer sur les marchés une pression favorable à une opération convenue de change, de fonds publics ou de marchandises, enfin, et comme conséquence finale, la spéculation sur toutes les valeurs quelconques. Les lettres de change acceptées ou endossées par la Haute Banque parisienne ont pour cause des exportations de marchandises en gros, des importations de matières premières, des accréditifs de banque ou des arbitrages de change ; elles ne comprennent pas ces expédients de crédit qu’on appelle circulation, dans le Levant girone. Elles sont la valeur la plus absolument sûre et fixe qui soit dans le commerce du monde : même pendant les révolutions ou les crises les plus violentes, ce papier est recherché, parce que c’est le seul qu’on puisse réaliser immédiatement en monnaie métallique, soit qu’on le négocie en France, soit qu’on le négocie à l’étranger.

Les banquiers escompteurs, soit de Paris, soit de la province escomptent ou recouvrent les lettres de change et billets à ordre civils ou commerciaux, fictifs ou sérieux, causés pour marchandises ou pour crédits et tirés par le commerce de gros sur le commerce de détail et sur les consommateurs… L’usage qui s’est introduit des offres de services sans cesse répétées, d’avoir des commis voyageurs, de s’arracher des affaires à coups de tarifs, les clients par des avances de caisse, fait descendre la fonction et affecte le caractère à la fois protecteur et vigilant que le banquier doit toujours conserver dans ses rapports avec le commerce… Cependant la banque provinciale a des allures plus larges dans les centres