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à la Bourse les valeurs qu’ils émettaient. Ils furent les initiateurs des pratiques devenues communes plus tard (chap. v. §§ 7, 8, 9). Sous cette impulsion, de 1852 à 1856, on vit se produire une fièvre de spéculation, dans laquelle les éléments sérieux et l’agiotage étaient mélangés et qui surprit l’opinion. Elle n’était pas encore blasée sur ce sujet comme elle l’est devenue depuis ! Ponsard, en 1856, donna à l’Odéon une comédie de mœurs, la Bourse, dont les allusions furent soulignées par les applaudissements du public. Un magistrat M. Oscar de Vallée, publia l’an d’après les Manieurs d’argent, livre courageux d’intention et d’une grande élévation morale. Proudhon fit de son Manuel du spéculateur à la Bourse (3e édition, 1857) un livre étincelant de verve, où il prenait texte de ces abus pour condamner la société. Son disciple Georges Duchesne continua son œuvre dans l’Empire industriel, histoire critique des concessions financières et industrielles du second Empire. Cependant des distributions irrégulières de dividende par plusieurs des sociétés fondées dans ces conditions avaient été dénoncées. Le gouvernement arrêta le cours des émissions du Crédit mobilier par un acte arbitraire, dont la législation alors en vigueur lui donnait le droit. En même temps, il laissa poursuivre Mirès, qui avait crée la Caisse des chemins de fer, comme commandite par actions, et qui rivalisait d’audace avec le Crédit mobilier. Ainsi que lui, il achetait la presse politique pour s’en faire un levier sur l’opinion ; mais, dans cette concurrence, il n’avait jamais eu complètement la faveur officielle et il devint le bouc émissaire de tous les péchés d’Israël augmentés de ceux des Gentils[1]. Ces premières expériences avaient habitué néanmoins le public à ce genre d’opérations et à cette nouvelle forme de banques. A côté du Crédit mobilier, transformé en une

  1. V. sur les événements financiers de cette époque, dans le Correspondant du 25 octobre 1861, un article de notre regretté ami François Beslay, la Spéculation à propos des derniers procès financiers ; dans les Œuvres judiciaires de M. Ernest Pinard (Pedone-Lauriel, 1885), ses réquisitoires dans l’affaire des Docks Napoléon, et dans l’affaire Mirès ; dans les Plaidoyers de Berryer, l’affaire du Crédit mobilier.